vendredi 4 septembre 2015

Interview


Interview express : Exile
(14/04/2014)




Topless : Y a t-il une différence lorsque tu produis pour des artistes comme Blu, Fashawn ou Johaz ? As-tu une approche spécifique avec chacun de ces rappeurs ou est-ce une sorte de routine ?

Exile : La plupart du temps c’est une démarche que je fais tout seul, avant de me demander quel rappeur serait le plus adapté à poser sur l’instru. Je leur fait ensuite écouter mon travail et on voit si ça colle. D’autres fois je réalise un beat pour un rappeur en particulier et soit le mc est immédiatement enthousiaste, soit je dois le convaincre qu’il est le plus à même de poser sur le son. Enfin dans le dernier cas de figure c’est le rappeur qui vient me voir et qui me lance une requête particulière.

Topless : On a toujours eu l’impression que ton album avec Blu « Give me my Flowers while I can smell them » était un peu sous estimé par rapport à « Bellow the Heavens ». Qu’en penses-tu ?

Exile : J’ai l’impression que « Bellow the Heavens » est un disque plus énergique, alors qu’on a conçu le second dans un esprit plus proche de A Tribe Called Quest ou des Native Tongues, avec une ambiance plus relax, le genre d’album qui s’écoute un joint en bouche ou dans ta caisse. En plus de ça on voulait montrer une autre facette de Blu. Au final chaque disque correspond à une humeur différente.

Topless : Nas fête en ce moment les 20 ans d’Illmatic, que représente cet album pour toi ?

Exile : Un classique tout simplement, un album qui reflète son époque. Après dans la même période je suis plus friand de disques comme le premier Jeru the Damaja ou « Death Certificate » d’Ice Cube. En fin de compte Illmatic est facilement digérable. Attention c’est un disque que j’adore, mais je trouve qu’en comparaison « Death Certificate » est aussi bon, voire peut-être meilleur. Il est moins populaire dans le monde du fait de ces thèmes et du contexte de sa sortie après les émeutes de Los Angeles lorsque c’était la folie en ville, mais pour moi ça n’en reste pas moins un classique à part entière.


dimanche 30 novembre 2014

Interview eMC


Entretien avec Masta Ace
et eMC
(7 novembre 2014)


de gauche à droite : Wordsworth, Stricklin et Masta Ace

  Le 7 novembre 2014, le groupe eMC était à Strasbourg pour un show qui a enflammé le public présent ce soir là au Molodoï. Auparavant on a posé quelques questions au crew new-yorkais composé de Wordsworth, Stricklin et du légendaire Masta Ace. (Punchline, 4ème membre du groupe, avait été écarté peu avant le début de la tournée européenne)
 On a retrouvé le groupe juste avant qu'il monte sur scène, celui-ci laissant planer une ambiance très décontractée avec notamment un Masta Ace faisant preuve d'un zen et d'une froideur qui allaient quelques minutes plus tard laisser place à une énergie et une implication remarquables. Le calme avant la tempête.


Topless : Comment se déroule la tournée jusqu’à présent ?

Masta Ace : Franchement bien. On a fait plein de pays, l’Angleterre, l’Allemagne, La Suisse … On nous attend en Pologne et en Suède. Que du positif pour l’instant.

Topless : Tu as dit dans une interview que la tournée que tu avais effectuée en Europe en 2000 avait été l’élément qui t’avais poussé à continuer ta carrière. Peux-tu nous expliquer ?

Masta Ace : Oui c'est vrai, lors de cette tournée en 2000, je me suis rendu compte que j’avais encore des fans qui s’intéressaient vraiment à ma musique. C’est ça qui m’a motivé à retourner en studio et qui m’a permis de réaliser Disposable Arts en 2001, qui est d’une certaine manière l’album qui a étendu ma carrière jusqu’à aujourd’hui. (Masta Ace n'avait plus sorti d'album depuis 1995)

Topless : Cette année on a pu t’entendre sur le morceau « Innovation », présent sur l’album Hip Hop after All du producteur français Guts. Comment s’est passée cette collaboration ?

Masta Ace : Ce qui se passe dans ce cas là c’est qu’un artiste ou un producteur essaie de me contacter soit par e-mail, soit me rencontre directement pendant une tournée. On s’occupe du coté business et après on m’envoie le beat par mail, je l’écoute, j’écris et j’enregistre chez moi avant de renvoyer tout ça au producteur. Et comme ça t’obtiens une track « internationale ».

pochette du premier album de eMC, The Show, sorti en 2008

Topless : Stricklin, tu viens de Milwaukee qui n’est pas vraiment une ville reconnue pour sa scène rap. On a vu une photo de toi ou tu arbores un t-shirt avec écrit « I’m from Milwaukee and that’s not funny ». Peux-tu expliquer ce manque de reconnaissance pour ta ville ?

Stricklin : En général quand tu dis que t’es de Milwaukee, les gens commencent à se marrer. Cette ville est plus connue pour des choses qui n’ont rien à voir comme le serial killer Jeffrey Dahmer ou la série Happy Days. Personne n’a jamais vraiment représenté correctement cette ville, c’est pourquoi les gens sont surpris quand je dis que je viens de là bas.

Topless : En parallèle à ta carrière de rappeur, tu es pompier et auxiliaire médical. Comment arrives tu à combiner ces deux activités ?

Stricklin : En fait c’est assez simple car mon emploi du temps est plutôt flexible. En tant que pompier je bosse 24 heures et ensuite j’ai 48 heures de libre. J’expliquais à un ami avant que je peux échanger mes heures avec des collègues, ce qui m’arrange bien. Donc honnêtement j’ai de la chance, c’est probablement le job idéal afin que je puisse me consacrer pleinement à la musique.



Topless : Wordsworth, ton premier album, Mirror Music, est sorti il y a 10 ans. Quelle est la différence entre le rappeur que tu étais à l’époque et celui d’aujourd’hui ?

Wordsworth : Il y a eu une évolution. Aujourd’hui je me soucis moins de ce que les gens disent ou pensent de mon travail. Lorsque j’ai enregistré mon premier album, c’était une découverte pour moi, et forcément tu es réceptif aux différents avis et opinions qui gravitent autour de ton premier projet. En vieillissant on y prête moins attention, et je me suis rendu compte que ça permet de se libérer musicalement.

Topless : Tu as eu la chance d’être sur le dernier morceau du dernier album de A Tribe Called Quest (« Rock Rock Y’all », 1998) ! Comment tu t’es retrouvé là ?

Wordsworth : Punchline et moi on était présent à un événement organisé par Q-Tip. Il nous a appelé le lendemain et voulait bosser avec nous. On a pas mal traîné avec eux vers cette époque et on a fini sur l’album. C’était une période ou Q-Tip voulait mettre de nouveaux artistes en avant.



 
Topless : Ace, tu étais sur l’album de R.A The Rugged Man intitulé Legends never Die. Ce n’est pas un secret, tu approches de la cinquantaine. Penses tu que le titre de cet album s’applique aussi à toi ?

Masta Ace : On fait ça parce qu’on croit et on espère que notre musique survivra le test du temps, mais ça dépend également beaucoup des jeunes générations. Peut être que dans 100 ans des gens qui n’auront aucune idée de qui je suis écouteront ma musique. Si c’est le cas, c’est que différentes générations auront continué à faire vivre mes sons, à transmettre cet héritage. C’est la marque que je laisserai sur cette terre.

Topless : Tu t’étais fait découvrir sur le morceau «The Symphony» de Marley Marl. Es-tu toujours en contact avec des membres du Juice Crew ?

Masta Ace : Les personnes avec qui je suis toujours en contact sont Graig G, Big Daddy Kane et Marley Marl. Les autres sont plus dur à joindre, ils changent constamment de numéro de portable, du coup je suis toujours content quand je peux les croiser à un événement. Cette année j’étais au Radio City Music Hall à New York avec Kane et j’ai vu Kool G Rap pour la première fois depuis pratiquement 17 ans ! On été tous ensemble sur scène : moi, Marley, Craig G, Kane, Kool G Rap, DJ Polo … C’était vraiment super (ce 25 janvier 2014, tous les participants du morceau « The Symphony » l’ont interprété pour la première fois depuis 1989). Mais oui il y a certains gars avec qui je n’avais pas parlé depuis un moment.

Topless : Vous avez sorti un EP cette année qui ressemble à un teaser pour un prochain projet. Que peut-on attendre du prochain album d’eMC ?

Masta Ace : Il y aura entre 10 et 12 tracks, très différentes de ce qu’on propose sur l’EP. L’album est presque fini, on doit encore faire des petits ajustements mais on approche du but. En tout cas on est assez satisfait de notre travail et on est tous impatient que le public puisse enfin l’écouter.

Topless : Pour finir, que penses tu de la scène rap actuelle à New York ?

Masta Ace : Mon inquiétude par rapport au rap new-yorkais et de Brooklyn en particulier, c’est le son. Le morceau le plus populaire du moment est celui de Bobby Shmurda, et pour moi ça n’a rien d’East Coast, c’est influencé par le sud. New York a en quelque sorte perdu son identité ses dix dernières années, beaucoup d’artistes du coin sonnent pareil. Mais il y a quelques lueurs d’espoir. Je croise les doigts pour que Brooklyn retrouve son lustre d’antan. On a besoin de retrouver un son new-yorkais, une marque, quelque chose qui nous définit. 


 Remerciement à eMC, leur manageuse et Pelpass.

mercredi 8 octobre 2014

Interview Black Milk


Entretien avec Black Milk
(22 Novembre 2013)



   Lorsque nous avons appris que Black Milk allait se produire à Colmar, on ne pouvait tout simplement pas passer à coté de l'évènement. On retrouve le rappeur de Detroit le 22 Novembre 2013, un peu plus d'un mois après la sortie de son dernier album, juste avant son concert. Black Milk parait froid au premier abord, mais va se lâcher au fur et à mesure d'un entretien sensé durer une quinzaine de minutes, et qui sera au final trois fois plus long ...
  

Topless : Tout d’abord félicitation pour ton album « No Poison No Paradise », on a vraiment aimé et on le retrouvera sûrement dans nos Awards de fin d’année …(en fin de compte on l'a bien élu album de l'année 2013)

Black Milk : Oh merci les mecs, je me sens déjà bien là (rires) … la réception du public vis à vis de cet album a été encore meilleure que ce que je pouvais espérer. Je me doutais que les gens l’apprécieraient, mais pas à ce point.

Topless : D’où vient le titre de l’album ?

Black Milk : En fait c’est une sorte d’album concept où l’on suit un personnage qui décrit différents aspects de sa vie tout au long du projet : les hauts et les bas, l'environnement dans lequel il a grandi, son adolescence, mais aussi sa vie d’adulte, tout cela contenu dans un grand rêve qui forme l’album.
J’ai utilisé ce titre « No Poison No Paradise » comme un jeu de mot, un autre moyen pour discerner le bien et le mal, l’ombre et la lumière, tous les aléas de la vie que nous connaissons.

Topless : Tu en parles d’ailleurs beaucoup dans la première chanson de l’album, « Interpret Sabotage », l’introduction du projet, qui est une sorte de résumé des évènements à suivre dans l’album. Sur le deuxième morceau, l’excellent « Deion’s House », tu collabores une nouvelle fois avec Will Sessions (un live band de Detroit qu’on pouvait déjà retrouver sur son album précédent, également présent sur le très ambitieux « Elmatic » d’Elzhi), quelle est l’histoire de ce titre ?

Black Milk : C’est une des dernières chansons que j’ai enregistré pour l’album. C’est marrant parce qu’en fait il y avait ce sample que je comptais retravailler, et je me suis rendu compte que Will Sessions l’avait joué devant moi il y a à peu près un an. Je les ai donc contacté pour qu’ils m’envoient leur instru et en l’écoutant je me suis dit qu’il valait mieux utiliser leur version plutôt que de galérer avec le sample.

Topless : Autre élément intéressant de ce projet, la pochette, avec ce coté psychédélique qui rappelle Funkadelic, comment t’est venue cette idée ?

Black Milk : Le design de la pochette est toujours une chose à laquelle j’attache de l’importance, surtout en tant que collectionneur. J’adore fouiller chez les disquaires et tomber sur des disques des années 60/70, avec ces pochettes fantaisistes. Bien sûr la musique reste primordiale, mais je suis quelqu’un de très pointilleux, je fais attention à tous les détails, que ce soit la musique, le mixage, la pochette, le marketing … Donc quand j’ai su quel chemin j’allais prendre avec cet album, j’ai tout de suite pensé à cette imagerie que pouvait avoir Funkadelic.
J’ai contacté June Bug, un talentueux dessinateur de Dallas, et je lui ai expliqué dans quelle direction je voulais aller pour cette pochette, quel style je recherchais : j’ai évoqué des pochettes de George Clinton, notamment celle de « Hardcore Jollies ». Il s’est inspiré de ça tout en y mettant sa touche personnelle et le résultat s’est avéré génial !

"No Poison No Paradise", 6ème album de Black Milk, sorti le 15 octobre 2013

Topless : Concernant Dallas, tu vis là bas à présent. C’est la première fois que tu enregistres un album hors de ta ville natale de Detroit, est-ce que cet éloignement a affecté ta perception de cette ville ?

Black Milk : D’une certaine façon oui. Après je dois avouer que je suis pas le genre de personne qui sort beaucoup, la plupart du temps je suis chez moi, dans mon « labo » en train de travailler. A ce stade de ma carrière, l’environnement dans lequel je me trouve n’affecte pas tant que ça ma musique, ou alors très peu. Je peux allez n’importe où dans le monde, tant que mon matos, mes disques et ma créativité sont au rendez vous je me sens comme un poisson dans l’eau. Mais c’est vrai que toute mon inspiration vient de Detroit, je suis né et j’ai grandi là bas, quoi que je fasse Detroit fait partie de moi.
Pour autant je pense que le fait d’enregistrer à Dallas a été bénéfique pour moi, ça fait aussi du bien de respirer un autre air. Le seul facteur gênant était l'absence des collaborateurs avec lesquels je travaille d’habitude, que ce soit les musiciens, les rappeurs ou les ingénieurs son. Pour ce projet j’étais vraiment tout seul en studio avec ma MPC et mes disques, je me suis occupé de tout : l’écriture, la production, le mix, le mastering … Mais j’aime le résultat final, j’ai vraiment apprécié de pouvoir réaliser un album plus épuré que le précèdent, qui était assez bruyant et plus dispersé.

Topless : Qu’est ce qui a changé dans ta manière d’écrire pour cet album ? On a trouvé qu’il y avait une vrai différence avec ton travail passé.

Black Milk : Tout d’abord, il faut savoir qu’en règle générale je commence toujours avec la production, je me concentre sur les beats et ne m’intéresse à l’écriture qu’après. J’avais l’impression après avoir enregistré les premières instrus que la musique parlait d’elle même, qu’elle se suffisait à elle même, ce qui m’a pas mal intrigué. Les deux premières tracks que j’ai finalisé étaient "Sunday’s Best" et "Monday’s Worst". Une histoire commençait à se créer, il y avait une connection entre les morceaux, et naturellement j’ai senti qu’il fallait que je m’appuie là dessus pour ce projet. Ça n’aurait pas eu de sens si j’avais laissé ce coté « storytelling » au milieu de l’album, entouré de couplets qui n’auraient eu aucun rapport.
L’autre raison c’est le fait de vieillir. Je peux maintenant commencer à regarder dans le rétro et contempler les différentes expériences que j’ai traversé, dans la musique mais aussi dans la vie en général. Forcément avec le temps j’ai plus de choses à raconter.



Topless : C’est ce qu’on a aimé justement : un peu à l’instar de Good Kid Maad City de Kendrick, la production est en parfaite osmose avec les paroles, et même quand il n’y pas de lyrics comme sur « Sonny Junior (dreams) » avec Robert Glasper et Dwele, l’atmosphère est tout de suite identifiable. Comment s’est passé cette collaboration d’ailleurs ?

Black Milk : J’avais bossé avec Glasper dans le passé, sur un remix de Black Radio, et ça m’a donné envie de renouveler l’expérience. Quand le moment est venu, il fallait que je me décide sur la place qu’il occuperait sur l’album. J’ai pour habitude de placer des morceaux exclusivement instrumentaux sur mes projets et j’ai pensé qu’il collerait bien avec cette track, où je voulais exprimer en musique le rêve de Sonny Jr. J’ai donc envoyé les percussions à Glasper, il m’a envoyé différentes lignes de piano et Dwele s’est occupé des cuivres. Le résultat est magique.

Topless : Quelle est ta relation avec Black Thought ? On a été assez surpris de le retrouver sur cet album.

Black Milk : Oui je savais que ça allait surprendre des gens !

Topless : Positivement ! On est plus habitués à des mecs comme Elzhi, Royce Da 5'9 ...

Black Milk : Les gens s’attendent toujours à ce que je bosse avec des gars de Detroit, et ça ne me dérange pas, mais pour cet album je voulais pas avoir trop de guests, et surtout bosser avec des artistes avec lesquels je n’étais pas familier. Je suis un gros fan de Black Thought, comme la plupart des gens. C’est un rappeur fantastique... Et puis je trouvais qu’il se fondait bien dans ce type de son conceptuel que j’essayais de faire. Du coup je lui ai envoyé le morceau "Codes & Cab Fare" avec mon couplet et il a aimé. Par contre il m’a prévenu, la prochaine fois il veut faire un morceau plus hardcore à la « Loosin Out » ou « Deadly Medley » (rires).

Topless : D’après toi qu’est ce qui différencie les MCs de Detroit à ceux de villes plus grandes comme New York ou Los Angeles ?

Black Milk : Je pense que tout le monde a les pieds sur terre à Detroit. Il n’y a pas autant de distractions qu’à L.A ou New York, là bas c’est plutôt facile d’avoir la tête ailleurs. A Detroit on a pas ce problème, tout ce qu’on peut faire c’est bosser, rester dans une pièce toute la journée et continuer à s’améliorer. Quand t’écoutes un mec de Detroit tu ressens ce feeling particulier, cette attitude, cette mentalité d’ « underdog » propre à cette ville, et ça motive tout le monde à se dépasser et se donner à 100%.

Topless : En parlant de Detroit, les artistes locaux sont très actifs en 2013, notamment depuis Septembre, avec les albums de Clear Soul Forces, Big Sean, Guilty Simpson, Eminem … C’est pas nouveau que Detroit soit de plus en plus représenté, mais t’as pas le sentiment que cette année ce constat est encore plus flagrant ?

Black Milk : Oui c’est clair, les fans de hip hop ont toujours soutenu les gars de Detroit, mais c’est vrai que cette année c’est spécial, comme tu l’as dit tous ces artistes ont sorti leurs albums dans le même laps de temps, sauf que c’était pas vraiment prévu ! Danny Brown a sorti son album en octobre, Boldy James aussi … Le même jour que moi en fait (rires). C’était la folie … Donc oui on peut dire que les projecteurs étaient braqués sur Detroit, mais je vais vous dire, je pense que c’est une tendance qui va continuer dans les prochaines années. On a aussi beaucoup d’autres gars qui sont pour l’instant dans l’ombre, comme Quelle Chris qui est sur mon album et Denmark Vesay, qui vont certainement exploser dans un futur proche.

Topless : Pourquoi n'as-tu plus collaboré avec Danny Brown depuis l'EP « Black & Brown » de 2011 ?

Black Milk : Danny a passé beaucoup de temps sur les routes pour sa tournée depuis. Mais ce n'est que partie remise, on travaillera de nouveau ensemble à l'avenir. Comme d'ailleurs avec Royce Da 5'9" et Elzhi, c'est juste une question d'emploi du temps.






 Topless : Qu'est-ce que tu as pensé du deuxième « Marshall Mathers LP » sorti récemment ? 

Black Milk : « Marshall Mathers LP 2 », c'est vraiment le retour du Eminem que les gens aiment. Ce mec a un tel niveau technique quand il rappe… Il est tellement habile techniquement ! Je suis certain que les gens ne captent même pas à quel point. C'est différent quand toi-même tu rappes, tu comprends mieux certaines choses, et dans le milieu il est très respecté.
Eminem a vraiment gardé cette forme de passion, cette envie de constamment repousser ses limites lyricales… Ce type est vraiment dans une autre dimension.

Topless : En dehors d'Eminem, quel est ton rappeur préféré de Detroit en ce moment ?

Black Milk : Je ne les connais vraiment pas tous ! Faudrait que je me prenne le temps de tous les découvrir… Mais à choisir, je dirais Quelle Chris. On se connaît depuis 2005, il est d'ailleurs en featuring sur mon album, et c'est vraiment le rappeur que j'apprécie le plus de Detroit, et avec lequel j'ai vraiment envie de bosser à nouveau à l'avenir.

Topless : Ces derniers mois on a pu assisté à l'éclosion ou à la confirmation d'une nouvelle génération de rappeurs, comme Joey Bada$$, Action Bronson ou encore Chance The Rapper ; qu'est-ce que tu penses d'eux ? Est-ce qu'on peut s'attendre à d'éventuelles collaborations dans le futur ?

Black Milk : J'espère que ça se fera ! Surtout avec ceux de New-York. En tout cas je les apprécie énormément. Ce sont vraiment d'excellents MCs, surtout en live.

Topless : Est-ce que tu considères que c'est un avantage d'être rappeur et producteur sur son propre album ?

Black Milk : Carrément, oui. Il y a une vraie différence entre les albums des rappeurs / producteurs et des MCs tout court. Le problème, c'est que la plupart des MCs cherchent à avoir un maximum de producteurs différents sur leurs albums. Très peu de rappeurs comprennent l'avantage de n'avoir qu'un seul producteur, qui va donner une cohérence à votre projet.
Au-delà de ça, les MCs qui sont aussi producteurs ont une bien meilleure compréhension des mélodies, ou des refrains par exemple. Il y a vraiment une cohésion dans la musique de Kanye West, de Pete Rock, d'Havoc ou encore de Big Krit.

Topless : Tu vas monter sur scène avec un live band ce soir. D'où t'est venue cette envie d'avoir des musiciens pour t'accompagner durant vos concerts ?

Black Milk : Je fais mes tournées avec un live band depuis mon album Tronic, donc depuis 2008. D'ailleurs depuis cette époque j'utilise aussi beaucoup plus souvent des instruments pour mes sessions en studio. Disons que le fait d'avoir des musiciens sur scène permet d'exploiter les morceaux différemment, d'offrir une expérience inédite au public. Après c'est certain que ça ne marche pas pour tout le monde. Tout dépend de ton approche de la musique, de ton niveau de musicalité.

Topless : Pour finir, quelles sont tes influences musicales ?

Black Milk : Rien de vraiment récent… La plupart des albums que j'écoute sont sortis dans les années 60, 70, voir même dans les années 80. Des artistes comme George Clinton, Prince, ou encore de l'électro-pop avec des groupes comme Kraftwerk.





mardi 5 août 2014

Reportage


Openair Frauenfeld 2014

Mud’N’Music

Par J-Rem






  Dimanche 13 juillet, camping de l’Openair Frauenfeld, 6 heures du matin. Le jour se lève et dévoile un tableau pour le moins chaotique. Des tentes renversées, des tonnelles terrassées, le niveau de l’eau presque à nos genoux par endroits, des chaises délabrées, un cadis qui flotte juste devant mes yeux … Serait-ce l’apocalypse ?



   L’Openair Frauenfeld commence bien avant qu’on y ait mis les pieds. J’avais bien sûr entendu parler de THE festival hip hop d’Europe, un événement qui rassemble chaque année plus de 150 000 personnes venues se délecter du spectacle proposé par les plus grands noms du rap ricain et européen pendant trois jours.
  La première ébauche de la programmation 2014 était tombée il y a quelques mois, et je ne peux pas dire que j’étais plus enthousiaste que ça : Macklemore & Ryan Lewis, Wiz Khalifa, Danny Brown, Immortal Technique, Youssoupha (oui je serai amené à parler un peu de rap français, une fois par an ça fait pas de mal) … ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.

   Je faisais beaucoup moins le malin quand le reste des invités fût annoncé: Nas, Outkast, Pharrell, Schoolboy Q, Chance the Rapper, T.I, Joey Bada$$, Vic Mensa, Mobb Deep, IAM, Isaiah Rashad, Earl Sweatshirt, Angel Haze, Bootcamp Click, YG, A$AP Ferg, Iggy Azalea …

(Au final Earl Sweatshirt sera remplacé par Ab-Soul, Danny Brown par les Underachievers et T.I par K.I.Z)

OMFG !!!! Des stars (légendes même), pleins d’artistes « Topless Approved », des new comers et … Iggy Azalea (pas fancy). Topless se devait d’envoyer un de ses membres à cette orgie musicale, et lucky me, c’est bibi qui s’y colle.

   Forcément un événement d’un tel calibre, t’y penses déjà des jours avant. Tu checkes la météo suisse tous les jours, tu te demandes comment Andre 3000 sera sapé, t’essaies d’imaginer la dose d’alcool nécessaire pour tenir le coup, et tu mets ton Ipod en mode Frauenfeld.

   Pour ce gros trip hip hop, je suis accompagné d’un duo de choc : Diego AKA Dancing Machine et Hortense AKA l’Architecte. Départ de Strasbourg le jeudi 10 juillet vers 10 heures, la motivation est à son comble et tout est prêt : tente, bâche, sacs de couchage, glacière ... et bottes et K-Ways. Et oui malheureusement le temps ne sera pas avec nous, et on s’en rend compte dès notre arrivée sur le site. Ciel grisâtre, averse, sol boueux au possible, cette année ce sera Mud’N’Music !

   Bon fini l’intro, et cap sur le rap parce que c’est ce qui nous intéresse tout de même.



Day 1 : De Chicago à Atlanta, il n’y a qu’un pas (dans la boue)



   Dès l’instant où on sort les pieds de la voiture, on pouvait entendre Ab-Soul pendant son set. Je reconnais « Nevermind That » de loin, on est en train de se diriger vers l’entrée pour s’installer au camping pendant  qu’Ab-Soul continue sa performance. Un peu déçu de pas avoir pu apprécier les titres de son nouvel album « These Days » en live, mais bon on se consolera avec les deux autres membres de TDE que sont Schoolboy Q et Isaiah Rashad. On ratera aussi le Bootcamp Click et … Iggy Azalea qui ne s’est pas pointée pour une raison inconnue, perso c’est pas ça qui va gâcher mon week-end.
 
   Le temps de tout installer, préparer les sandwichs et la picole, on est enfin prêt à en découdre, et quoi de mieux pour commencer que l’une des révélations de 2013, j’ai nommé Chance The Rapper ! Le gamin de Chicago est venu bien entouré puisqu’il se présente avec un live band complet, « The Social Experiment ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a envoyé grave ! On a droit à tous les gros titres de sa mixtape Acid Rap : "Juice", "Pusha Man", "Favorite Song", "Everybody’s something" et bien entendu un "Cocao Butter Kisses" dopé aux amphétamines avec une énergie de malade … qui ne sera pas vraiment rendue par le public. Quelques irréductibles fans se sont bien faits entendre au devant de la scène, mais l’ambiance générale était assez calme.
  Chance n’est pas (encore) une star, et surtout son style diffère beaucoup de tout ce qu’on sera amené à voir durant ces trois jours, ce qui à l’air de laisser le public un peu perplexe. Pourtant Chance sait faire le show, bouge dans tous les sens, et je pense même qu’il est peut être plus accessible en live du fait de sa voix plus grave qu’en studio, mais il faut croire que ce n’était pas suffisant … Personnellement cette performance m’a scotché, l’apport du live band amène définitivement un plus aux chansons de Chano qui d’après ce qu’on a vu est super à l’aise sur scène.
   En tout cas je reste catégorique : ce mec a un talent fou, et cette prestation live ne fait que me conforter dans cette idée. (j'aurai bien mis un extrait vidéo de Chance mais on m'entend chanter comme une groupie ... et je n'assume pas)



   Mais pas le temps de traîner, et on est pas les seuls à le comprendre puisque la foule commence déjà à se déplacer vers la grande scène de droite. En effet c’est tout simplement la star de l’année qui va se produire sous nos yeux dans quelques instants. Pharrell Williams est assurément l'artiste le plus "bankable" du moment. « Get Lucky », « Happy » sans oublier « Blurried Lines » , Pharrell a fait exploser les compteurs du Billboard ces deux dernières années. Mais les personnes présentes dans la foule ne s’y trompent pas, Skateboard P c’est aussi N.E.R.D et des tonnes de tubes rap dans les années 2000.
   C’est d’ailleurs au moment d’aborder ces chansons que le public va véritablement entrer en transe. Après un « Come get it Bae » plutôt mollasson, l’homme au chapeau enchaîne avec un medley ravageur : « Hot in Herre », « Pass the Courvoisier », « Drop it like it’s hot » … jusqu’au morceau qui va littéralement faire péter un plomb à tout le monde : « Lapdance ». Le public saute dans tous les sens, et on est qu’à la moitié du concert. Suivra bien évidemment « She wants to move » pour clôturer le chapitre N.E.R.D, et on se quitte avec « Happy », où Pharrell invite un gamin à danser sur scène avec toute sa troupe (à noter la performance des danseuses).
   C’est pas tellement que Pharrell soit une bête de scène, c’est surtout qu’il a un catalogue de malade (ou un super déhanché selon Hortense). Les hits se sont enchaînés pendant plus d’une heure et faut dire qu’on s’est pas ennuyé une seconde. Bien joué l’homme qui ne vieillit pas (for real). Voilà Pharrell c’est fait, et la soirée ne fait que commencer.



   M.I.A enchaîne sur la North Stage, mais nous verrons tout ça de loin, et on a une bonne raison : chopper des bonnes places pour LE show de la soirée, celui qu’on attend depuis des mois, car oui … Outkast est dans la place ! Pour profiter pleinement de ce moment, y a pas de secret faut se pointer à l’avance et attendre une bonne heure, mais le jeu en vaut la chandelle. On se retrouve juste devant les barrières qui longent la scène, un peu sur la droite, bref on est paré pour deux heures de gros tubes à la sauce ATLienne. Et ça commence fort avec « Bombs Over Bagdad », et tout de suite l’impression réconfortante que les deux protagonistes sont dans un bon soir, surtout Andre 3000. Three Stacks, perruque blanche et tenue noire arborant un « Sorry I forgot to call you back », fait le pitre sur scène, s’enroulant dans le câble de son micro, rappant 10 minutes de suite une valise à la main, ou s’amusant à faire chier le DJ dès qu’il en à l’occasion. (les deux chanteuses background le regarderont d’ailleurs plusieurs fois en mode « What the fuck ?! »)
   Pas de surprise dans la playlist, on retrouve tous les gros singles de la discographie du groupe, avec deux petites parties solos où Big Boi et Andre jouent leurs titres persos, avant de se retrouver pour finir le concert en beauté. On se rend compte aux réactions du public que les chansons les plus populaires du duo restent « Miss Jackson » (for eva, for eva eva …), « Hey Ya » (avec des filles du public invitées sur scène à shaker leur booty « like a polaroid picture ») ou encore « Roses »(avec une impro d’Andre assez loufoque). Pour ma part les morceaux qui m’ont achevés n’étaient autres que « SpottieOttieDopaliscious », « She lives in my Lap » et « So fresh so clean ».
   J’ai aussi particulièrement apprécié la présence de Sleepy Brown, toujours hyper classieux, l’énergie de Big Boi, très pro et super enthousiaste, et le je ne sais quoi d’Andre 3000. Franchement ce gars dégage un truc presque mystique assez dur à expliquer. Un personnage quoi, le genre de mec qui manque au rap … 
   Le groupe finira avec « The whole World », achevant ainsi un set sans surprises mais au combien puissant. Durant deux heures on aura eu droit à la crème de la crème du rap sudiste, 20 ans de carrière qui nous ont rappelé le statut légendaire du groupe.
  Bref ce concert d’Outkast était une pure réussite, et on se prend à rêver d’un éventuel retour dans les bacs pour le duo … Come on Andre !!!





   Voilà le premier soir s’achève, on repart des étoiles pleins les yeux, mais la nuit est encore longue à Frauenfeld, puisque lorsque les concerts se terminent, les différentes boites de nuit improvisées qui pullulent sur le festival poussent le son jusqu’à six heures du mat’ minimum. Autant dire qu’on dormira pas tout de suite …




Day 2 : De YG à IAM, il reste beaucoup de lettres (sorry)




   Vendredi 11 juillet. Dur réveil, pas encore vraiment remis de toutes les émotions d’hier soir (les concerts, et le souvenir en boite que Chingy avait existé), mais faut pas chômer car la musique repart de plus belle du coté des deux scènes (pour rappel durant les trois jours les concerts sont non stop de 12h à 2h du matin). On ratera d’ailleurs Vic Mensa, autre rappeur new generation de Chicago. Un rayon de soleil inattendu nous offrira un boost non négligeable, tout le camping clamant sa joie à l’unisson à la vue de ce temps qui devenait inespéré. Time to go.

   On commencera donc notre marathon rap journalier à 14h avec YG. Le rappeur californien arrive avec une réputation grandissante, notamment grâce à son album « My Krazy Life » rempli de tubes « ratchetisés » à la sauce DJ Mustard. Pour être franc c’est un album que j’écoutais de plus en plus ces derniers temps, et je dois avouer que j’étais assez impatient …
   Mon dieu … que ce fût mauvais. Diego me glisse à l’oreille que c’était digne d’un showcase de nightclub, et il a entièrement raison (c’était même peut être pire). Aucune volonté, le charisme d’une poutre, YG est backé par lui même puisqu’il ne s’est même pas donné la peine de retirer ses lyrics des instrus … Franchement un calvaire. J’attendais tout de même « Do it to ya » avec son sample énorme repris à the Dogg Pound … mais ça n'arrivera pas, bref zéro pointé. D’ailleurs dès le départ un détail ne jouait pas du tout en sa faveur : on se demandait si c’était vraiment YG sur scène. Le mec dégageait rien, j’espère pour lui que c’était juste pas son jour car sinon le bouche à oreille pourrait lui faire du tort. Clairement le plus mauvais concert du festival.

   On enchaîne avec Angel Haze. Je dois l’avouer, c’était vraiment pas le concert que j’attendais le plus, mais force est de reconnaître que la jeune MC de Brooklyn a vraiment mis du sien dans son set. Après une intro pour le moins foireuse de son DJ (qui passe de la techno à Luniz), Haze va véritablement démontrer tout son potentiel en live. Son album « Dirty Gold » ne m’avait pas emballé, mais une fois sur scène, la donne change. Son énergie communicative couplée à sa maitrise du mic va mettre tout le public dans sa poche, notamment avec « A Tribe called Red » un des highlights de sa performance. Ajoutez à cela son excursion dans la foule de Frauenfeld et vous obtenez un très bon concert qui m’a persuadé de prêter plus d’attention à la carrière de la talentueuse rappeuse.



   On suivra ensuite de loin A$AP Ferg, un artiste que personnellement je n’arrive pas encore trop à cerner. Prestation qu’on qualifiera de solide tout au mieux, pas mal de titres de son album « Trap Lord » dont vous l’aurez deviné l’inévitable « Shabba » (son qui tournait sans arrêt aux alentours du festival). Une petite reprise de « Move that Dope » de Future plus tard, Ferg à la bonne idée d’inviter un special guest à le rejoindre sur scène. Mais de qui s’agit t’il ? le suspense est à son … Oh non, oh il a déconné. YG ? Are you fucking serious ? Bon bah merci de remuer le couteau dans la plaie, nous du coup on se barre ASAP. 
  
   Une petite pause, sieste même, et c’est reparti. On débarque pendant le set de Wiz Khalifa, un des artistes qui je dois dire me branchait le moins sur le week-end. J’ai jamais vraiment accroché avec sa musique trop proche de la pop à mon goût. Wiz se la joue rockstar sur scène, toutes les tracks les plus populaires de sa disco sont à l’honneur : « Black and Yellow », « PaperBond », «Work hard, Play hard » … Le public a l’air satisfait, c’est bien le plus important. Peu de choses à dire sur ce concert en fait, Wiz a fait son truc, ni plus ni moins. Next up, Macklemore.



   22h, South Stage, Macklemore & Ryan Lewis arrivent sur scène et la réception du public est plus que chaleureuse. Live band au rendez vous, ça swing direct, et je suis surpris d’entendre « Thrift Shop » aussi tôt dans le concert. Comme vous pouvez l’imaginer c’est le délire dans le public, et je suis vite contaminé. « Can’t Hold Us » suivra, et bien que je ne sois pas le plus grand fan de Macklemore je dois avouer que dans ce contexte festivalier, ça passe assez bien. Le rappeur de Seattle prend alors une pause pour nous expliquer que tout va très vite dans la vie : il était déjà présent à l’édition 2012 de Frauenfeld, sauf qu’à l’époque il jouait en début d’après midi devant un public largement réduit. Des milliers d’albums vendus et quelques Grammys plus tard (ahem), il revient en tête d’affiche cette année. Good for you buddy. Durant son set, il aura même le temps de se déguiser en femme, et on aura bien évidemment droit à « Same Love ».

   Voilà pour les sets rap US de la journée. Comme je le disais en début d’article, je suis obligé de glisser quelques mots sur Youssoupha et IAM, qui pour moi ont été les deux points culminants de la journée.
   Tout d’abord Youssoupha, qui se produisait à 16h. Un artiste qui ne m’est pas vraiment familier, je devais connaître 2-3 sons au max (dont le superbe « Les Disques de mon Père »), et bien ça ne m’a pas empêché de savourer cette performance comme il se doit. Le « lyriciste bantu » comme il aime s’appeler a livré un show tout simplement excellent, rythmé, et surtout n'a pas lésiné sur le jeu artiste/public. Youssoupha est proche de la foule (il finira dedans d’ailleurs), blague sans arrêt et diffuse sa bonne humeur de manière contagieuse. Sous un soleil de plomb (Allelujah), Youss nous a fait bouger dans tous les sens pour une Rhumba session carrément démente. Une très bonne surprise.



   Pour ce qui est d’IAM, je dois dire que c’était un instant assez magique. Depuis le temps que je voulais les voir … Dernier concert de la journée vers minuit, la pluie s’intensifie, mais rien que de voir Kheops préparer ses platines m’immunise de toute aigreur. Dans le peu de rap français que j’écoute, IAM a toujours eu une place particulière. L’Ecole du Micro d’Argent est un tel monument ... Cet album a tourné quand j'étais plus jeune, et je ne suis pas le seul dans le public, alors pouvoir être aux premières loges pour « La Saga », « Le Coté obscur » ou encore une version hyper allongée de « Demain c ‘est loin » … Le pied intégral. Assez bizarrement, le groupe s'exprime en anglais entre les chansons, ne sachant pas trop à quel public il s'adresse au départ, mais après 20 minutes il était clair que le devant de la foule était peuplé de frenchies. Gros concert. Et puis Shurik’n quoi, ce mec est incroyable. Comment ne pas péter un plomb quand on entend les premières notes de « Samuraï » ? Pour la faire courte, la pluie incessante et de plus en plus violente n’aura pas eu raison de notre joie de voir les papis marseillais se faire plaisir comme des gamins sur scène.


   Conquis et lessivés, c’est comme ça que s’achève cette deuxième journée frauenfeldienne. On fera pas trop les fous ce soir, car demain le début de journée s’annonce pour le moins excitant.


Day 3 : Fuck the Rain !




   Dernier jour de l’Openair Frauenfeld, et programme de fou furieux !

   On commence dès midi avec Isaiah Rashad, le nouveau prodige du label TDE. Forcément vu l’heure on est peu nombreux, mais après les concerts « sold out » d’hier soir c’est pas plus mal. Casquette sur la tête et langage corporel un poil désinvolte, Isaiah se lâche au fil des tracks. Sa mixtape « Cilvia Demo » est bien sûr à l’honneur, et certains titres prennent tout leur sens dans ce contexte live, comme « R.I.P. Kevin Miller » et son refrain envoûtant, je dirai même hypnotisant. Le peu de public présent partage la philosophie du jeune MC : « You live for bitches and blunts, we live for weed and money ! ». Preuve supplémentaire de la reconnaissance des spectateurs, c’est eux qui assureront le ravitaillement d’Isaiah en hydroponique par deux fois durant le concert. A part ça « Soliloquy » gagne la palme du morceau le plus populaire, et je fus un poil déçu par « Heavenly Father », mais ça n’entachera en rien la performance. Au final, on se dit qu’on a bien fait de se lever tôt, le rappeur originaire du Tennessee nous a gratifié d’un bon show, même si j’ai été furtivement distrait par des jeunes filles tatouées de partout, avec des bandanas rouges portés à la manière des Bloods, posant en photo tout près de nous. J’espère pour la suite qu’elles savent que Schoolboy Q est un ancien Crips …

   Pas le temps de chômer, un autre youngster du rap game US s’apprête à prendre le relais. Joey Bada$$ is in da place ! La foule est déjà plus conséquente, et aux platines on retrouve Statik Selektah qui nous ambiance bien le temps de la transition. Joey B. débarque sur l’intro de sa dernière mixtape, Hortense est euphorique, et on se dit que ça va donner. Contrat rempli. Le jeune rappeur de Flatbush a l’air rodé et jongle constamment entre « 1999 » et « Summer Knights » : je pête un plomb sur «Sweet Dreams », tout le monde est chaud pour « 95 Til’ Infinity ». Il est rapidement rejoint par un autre membre de Pro Era, Kirk Knight. Après un hommage à Capital Steez (R.I.P.), on se remet dans le bain avec un petit passage de « Hip Hop Hooray » de Naughty by Nature, qui a totalement sa place ici tant le show sent bon les nineties. En regardant autour de soi, on remarque aussi que Pro Era s’exporte bien, puisque qu’on observera pas mal de produits dérivés du collectif new yorkais dans le public. Coté musique on aura aussi droit à une exclu de l’album « B.4.DA.$$ » et pour finir en beauté on savoure un petit « Survival Tactics » qui ne fait également pas de mal : « Fuck the Police » scande Joey, repris en chœur par la foule. On ne doutait pas du talent de MC de la sensation new yorkaise, maintenant on sait aussi qu’il maîtrise la scène. Il est 14h, le soleil pointe le bout de son nez, et le niveau est en train de monter crescendo sur scène.

   Pas de Underachievers pour nous (si seulement les Flatbush Zombies avaient pu remplacer Danny Brown …), on privilégie une bonne place pour le show suivant. Il est 16h, et le « Man of the Year » himself, ScHoolboy Q, se prépare et laisse à son DJ le soin de faire monter la température. Un Harlem Shake plus tard (sérieux ?), Q débarque enfin pour ce qui sera un des grands moments du festival à mes yeux. Avec sa cagoule orange et son légendaire bob sur la tête, il va nous livrer plus d’une heure de show, passant en revue tous ses titres phares : « There he go », « Yay Yay », « Collard Greens », « Hands on the Wheel », « Studio » … Deux albums seulement mais déjà tellement de tubes ! Coté ambiance la foule est en symbiose totale avec l’artiste : ScHoolboy Q est vraiment au taquet, motive la foule, fait preuve de pas mal d’humour et surtout n’a jamais baissé en intensité tout le long du show. Voilà un artiste qui sait comment garder son public réveillé, et qui a compris comment gérer son set parfaitement. Il finira avec « Break the Bank », tout le public reprenant une dernière fois en chœur le refrain. Schoolboy a bien fait le boulot, et c’est connu après l’effort le réconfort, il se fera donc un petit plaisir en invitant deux groupies à le rejoindre en loge. Respect.


   Si le début de journée était placé sous le signe de la jeunesse dorée du rap US, il est temps à présent de rendre hommage à la vieille garde.

   Immortal Technique prend le mic à 17h sur la North Stage. On suivra ça de loin (l’appel du poulet), mais on sera tout de même témoin des longues (interminables ?) tirades du MC péruvien. Car oui c’est un fait, Felipe de son vrai nom est connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, il suffit d’écouter sa musique pour s’en rendre compte. Là il se lance dans un dézingage en règle de la presse féminine, déplorant l’influence que celle-ci peut avoir sur les jeunes filles, notamment la sienne. D’autres speechs virulents interviendront régulièrement entre les morceaux, avec des messages « anti-industrie » qui vont de paire avec son style de rap. Personnellement j’aime bien ce coté ronchon et « jamais content » du personnage, par contre ceux qui attendent Kid Ink doivent être un peu paumés …

   Si le soleil avait jusque là repris ses droits, tout allait changer au moment de se rendre au set de Mobb Deep. La foule est juste immense à ce moment là, on est compacté sur place, pas moyen de bouger un orteil. Havoc et Prodigy déboulent et le public devient fou. On commence cash avec « Survival of the Fittest », et là c’est le drame : une pluie diluvienne s’abat sur nous, et ce qu’on ne savait pas à ce moment là, c’est que ça allait durer jusqu’au lendemain matin. Les spectateurs les moins couverts se sauvent en courant, et l’heure du choix a sonné : soit on en profite pour se rapprocher de la scène, soit on file vers la South Stage pour choper un bon spot pour Nas. J’aime bien Mobb Deep, mais voilà Nas quoi… mes amis et deux italiens rencontrés auparavant seront ok avec la deuxième solution, on écoutera "Shook Ones" de loin …

   Le déluge ne s’arrête pas, je sens l’eau rentrer dans mes bottes, et on commence à s’impatienter. L'attente est longue, Diego et son pote italien balancent des "Fuck the rain" à tue-tête. Heureusement on est bien placé, assis sur les barrières un peu plus loin de la scène, du coup on surplombe tout le monde, s’offrant une vue impeccable pour le show. DJ Green Lantern lance l’intro d’Illmatic et Nasir Jones arrive sur les premières notes de « NY State of Mind » (ou plutôt Switzerland state of mind comme il le dit). La foule devient dingue. Pas de doute, on fête bien les 20 ans d’Illmatic. Nas va tout simplement reprendre son album culte dans son intégralité et dans l’ordre d’origine. Pas de temps mort, on enchaîne tous les classiques, avec un petit hommage à Michael Jackson au moment de « It ain’t hard to tell ». Y a pas à dire, Illmatic en live, c’est quand même un kiffe ultime. Nas déroule ensuite son répertoire, je pète mon plomb habituel sur « Made you look » et « Get Down », suivront « Hate me now », « Got yourself a gun » ou encore l’inévitable « One Mic ».
   Un show carré au final, Nas a fait le taff sans en rajouter ( il a aussi bien fait attention de pas trop s’exposer hors de la scène pour éviter les trombes d'eau ). Pour l’avoir déjà vu à Paris il y a un an, j’étais forcément un peu moins hystérique, mais voir une telle légende en live reste un plaisir immense, surtout quand on est posé comme au cinéma.
   

   Bref, le festival se termine en beauté, nous on court immédiatement s’abriter sous un chapiteau. La dernière nuit sera longue, Diego peut réellement danser jusqu’à pas d’heure, ou plutôt si, jusqu’à 6h du mat’ en l’occurrence. "The party don't stop" comme on dit.
   La pluie s’est enfin arrêtée, et en rentrant sur le camping, on assiste à un désastre comme j’en avais rarement vu. C’était plus un camping, c’était Bagdad.(d'après ce que j'ai compris les conditions météo n'avaient jamais été aussi catastrophique que cette année)





   Voilà, l’Openair Frauenfeld c'est fini, et il est indéniable que ce festival représente une étape obligée pour tout fan de hip hop qui se respecte. Frauenfeld, c'était Noël avant l'heure. Le temps aura été tout pourri mais la qualité globale des concerts a complètement effacé ce paramètre.
   Pour ce qui est de l'ambiance générale, c'était plutôt bon enfant. Bien sûr on a croisé quelques "spécimens", et certains avaient l'air un peu paumé (le genre de gars qui te met de la techno à fond la caisse au camping), mais globalement l'amour de la musique est un élément fédérateur (c'est beau je sais).
   Sinon on aura aussi vu :
-         de la boue
-         beaucoup de GoPros
-         des pétards plus gros les uns que les autres (les suisses déconnent pas)
-         de la boue
-         de la pluie
-         une tente proposant des « free hugs »
-         des prix déraisonnables
-         des gros alcoolos ! « quoi ya des concerts ici ? »
-         un enfant avec sa mère (dans ce contexte de débauche c’était marrant)
-         des personnes se souciant plus de leurs selfies que des concerts
-         de la boue


    Pour terminer, une chose est garantie : I'll be back next year !
 Merci à Diego, Hortense et Luis pour les photos.

dimanche 27 avril 2014

Podcast du 22 avril 2014

Au programme de l'émission on s'attarde sur l'album de Madlib et Freddie Gibbs
"Piñata", les news de la semaine, un portrait de Yelawolf
et enfin on parle sample avec Redman et Johnny Guitar Watson.




Vous pouvez également écouter l'émission et la télécharger ici.